
Après quelques mois passés loin de me préoccuper de l’avancée du #ChallengeLecture2018 des Éditions J’ai lu, je profite de vacances – ô combien attendues et, tout du moins je l’espère, ô combien méritées -, pour me remettre sur le droit chemin.
Et pourtant, Des fleurs pour Algernon, de l’américain Daniel KEYES, n’a pas été choisi pour le #ChallengeLecture2018. C’est en effet l’assistante sociale qui nous accompagne dans le cadre de notre candidature à l’adoption qui, au détour de la conversation, nous a parlé, avec forts éloges, de ce roman que sa propre fille lui avait recommandé.
Un peu fayot, mais surtout avide de découvrir ce qui avait pu susciter un tel enthousiasme, je m’offris un rapide aller-retour à la bibliothèque municipale avant d’entamer cet ouvrage de 453 pages, publié en 1966, après avoir initialement pris la forme d’une nouvelle, récompensée par le prestigieux Prix Hugo en 1959.
Algernon est une souris de laboratoire qui, suite à une opération chirurgicale, a vu ses capacités mentales démultipliées. Forts de cette réussite scientifique, le Docteur Strauss et le Professeur Nemur décident de passer au stade de l’expérimentation humaine sur Charlie GORDON, 32 ans et déficient mental : archétype de l’anti-héros.
Conte randu n°1
3 mars. Le Dr. Strauss dit que je devrez écrire tout ce que je panse et que je me rapèle et tout ce qui marive à partir de maintenan. Je sait pas pourquoi mais il dit que ces un portan pour qu’ils voie si ils peuve mutilisé. J’espaire qu’ils mutiliserons pas que Miss Kinnian dit qu’ils peuve peut être me rendre un télijan. Je m’apèle Charlie Gordon et je travail à la boulangerie Donner. Mr. Donner me donne 11 dolar par semène et du pain ou des gâteau si j’en veut. J’ai 32 ans et mon aniversère est le mois prochin. J’ai dit au Dr. Strauss et au proféseur Nemur que je sait pas bien écrire mes il dit que sa fait rien il dit que je dois écrire come je parle et come j’écrit les compositions dans la classe de Miss Kinnian au cour d’adultes atardé du Colege Bikman où je vait 3 fois par semène a mes heures de liberté. Le Dr. Strauss dit d’écrire bocou tou ce que je panse et tou ce qui m’arive mes je peux pas pansé plus pasque j’ait plus rien a écrire et je vais marété pour ojoudui.
L’originalité de ce roman se caractérise en effet par sa forme : le journal de bord que tient scrupuleusement Charlie Gordon, avant et après l’opération. L’occasion pour nous d’être témoins de l’évolution du narrateur, notamment en observant, au fil des pages, l’amélioration de son orthographe et, plus largement, le raffinement de sa langue. L’occasion de voir Charlie Gordon réaliser son rêve de « devenir intelligent » et de porter un regard retrosceptif sur la vie qui fut la sienne avant l’opération (les moqueries, le rejet de la différence, etc.) et un regard critique aussi bien sur l’entreprise scientifique dont il est lui-même l’objet que sur sa volonté de devenir intelligent.
A vrai dire, c’est ce choix de narration qui constitue pour moi l’attrait essentiel du roman dans la mesure où l’intrigue s’avère finalement relativement conforme à celle espérée pour ne pas dire attendue. L’exercice auquel se livre Daniel KEYES est périlleux, mais il est réussi avec brio, l’auteur s’appuyant sur sa licence en psychologie et les qualités littéraires qu’il a pu exercer chez Marvel. Tel un artiste apposant, touche après touche, la peinture sur sa toile, Daniel KEYES apporte, compte-rendu après compte-rendu, de nouveaux indices quant à l’évolution mentale et sentimentale de Charlie. Car en effet, l’accroissement des capacités cognitives du narrateur n’est évidemment pas sans conséquences, la principale, et sans aucun doute la plus intéressante à mes yeux, étant la dualité qui se crée peu à peu entre l’ancien Charlie et le nouveau Charlie, ce dernier prenant conscience, à la mort d’Algernon, qu’il n’est qu’un passager du déficient mental : que l’anormalité, c’est lui.
Avec l’émergence d’un Charlie aux capacités mentales hors du commun, c’est avant tout le portrait du Charlie déficient mental que Daniel KEYES nous dépeint. Un portrait qui, évidemment, n’est pas sans résonner comme un hymne à la tolérance, un éloge de la normalité différente. Et c’est là, encore une fois, qu’il convient de rappeler que ce roman est publié en 1960, une époque où les connaissances et donc la perception de la déficience mentale n’avaient rien de commun à ce qu’elles sont aujourd’hui. Dans le cadre du projet d’adoption qui est le notre, ce fut en tout cas une lecture précieuse qui, sous couvert du romanesque, m’a accompagné dans les questionnements qui sont encore les miens.
En conclusion, Des fleurs pour Algernon est un roman maîtrisé où l’auteur s’efface, jusque dans son style, au profit de l’intrigue et des personnages. C’est un récit poignant qui ne tombe jamais dans le mélodrame. Une histoire prenante, comme un chemin que l’on emprunte vers une destination connue, qui nous permet d’admirer le paysage.
Pour info, ce roman a fait l’objet de multiples adaptations, notamment francophones, au cinéma comme au théâtre. Certaines sont d’ailleurs disponibles sur Youtube, notamment celle réalisée pour le compte d’ARTE avec l’excellent Grégory GADEBOIS dans le rôle de Charlie GORDON : https://www.youtube.com/watch?time_continue=2&v=3Yg7-Dg2XzE
2 défis réalisés sur 40, dans le #ChallengeLecture2018 :
- Un livre sur un méchant ou un anti-héros
- Un livre traitant d’un problème de société actuel
Une pensée sur « « Des fleurs pour Algernon » de Daniel KEYES »