
« Les grandes personnes ne comprennent jamais rien toutes seules. » Il aura donc fallu attendre le crépuscule de mes trente-trois ans et le #ChallengeLecture2018 proposé par les Éditions J’ai Lu, pour que je m’attelle enfin à la lecture de cet incontournable de la littérature jeunesse, même si, au final, je ne suis pas si certain que ça de sa classification.
Évidemment, comme toute grande personne digne de ce nom, je jetterai un voile pudique sur le fait que c’est avant toute chose en cherchant un livre qui est aussi une comédie musicale que j’ai ressorti ce conte poétique écrit en 1943, tel un oasis de candeur perdu dans un désert de folie et de destruction.
Pour la forme, rappelons qu’il s’agit donc de l’histoire d’un aviateur qui, devant faire face à une panne mécanique en plein désert, rencontre un petit garçon bien étrange : « Le Petit Prince ». Avare de réponses aux questions qu’on lui pose, le Petit Prince se dévoile peu à peu et nous invite à découvrir le périple qui l’a amené, de planètes en planètes, sur Terre.
Deuxième livre le plus traduit dans le monde – après la Bible, quand même, faut pas déconner -, « Le Petit Prince », bien qu’incontournable, n’a jamais suscité chez moi la moindre curiosité. C’est typiquement le genre de livre qu’il faut avoir lu et que, donc, je ne lis pas. Pourquoi ? Je ne sais pas. Et je sais que j’ai tort, mais que voulez-vous : je suis loin d’être con, mais il y a des moments où je m’en rapproche. Une chose est sûre, en tout cas : je ne regrette pas d’avoir attendu si longtemps pour me plonger dans ces 97 pages, profitant, ça ne s’invente pas, d’une visite impromptue chez le garagiste pour faire réparer l’un des pneus de ma voiture qui, décidément, ne voulait pas que nous quittions le Poitou.
Naturellement, l’enfant que j’étais aurait été émerveillé par cette invitation au voyage et bouleversé par les dernières pages, déchirantes. Mais quoi de plus beau que de vivre cette expérience à l’âge du Christ. C’est en cela que « Le Petit Prince » n’a, selon moi, pas sa place parmi les œuvres de littérature jeunesse. Je recommanderai même plutôt d’attendre d’avoir atteint l’âge adulte pour s’y plonger corps et âme, non pas parce que ce conte s’adresse à l’enfant oublié qui sommeille gna, gna, gna, mais tout simplement parce que j’ai le sentiment que ce n’est qu’avec le recul qu’offre l’expérience et la connaissance du monde que l’on accumule au fil des années, que l’on peut pleinement apprécier l’expérience.
Je ne peux m’empêcher, ici, d’évoquer ce qui constitue pour moi un autre incontournable de la littérature mondiale : « Si c’est un homme » de Primo Levi. On ne peut qu’être pris d’une sorte de vertige face à la nature humaine en observant que quelques mois seulement séparent la publication du « Petit Prince » et le récit de l’enfer des camps de concentration que nous livrera, dès 1947, le célèbre chimiste italien : Primo Levi m’avait fait douter de la nature humaine, Saint-Ex a ravivé une lueur d’espoir. Écrit à une autre époque, je pense que « Le Petit Prince » en aurait perdu toute sa puissance littéraire et symbolique, s’imposant, pour le coup, comme un simple conte pour enfant. « Du chaos naissent les étoiles. »
Mais à vrai dire, tout comme l’est le personnage, « Le Petite Prince » constitue toujours, pour moi, une énigme, un mystère dont je ne suis pas convaincu que de multiples lectures me permettront d’y voir plus clair. Je ne suis d’ailleurs pas certains de vouloir effleurer à nouveau du regard ces quelques pages, toujours habité que je suis par cette idée qu’une seconde lecture m’exposerait au risque de voir disparaître la magie de la première. Peur de voir un peu plus clairement les ficelles de l’auteur dont l’intelligence et le style m’ont donné envie d’embarquer, par exemple, pour un Vol de nuit. #ChallengeAccepted.
Il n’y a, pour moi, pas de meilleur auteur que celui qui se met au service de son œuvre. Et c’est le cas ici. D’abord, parce qu’Antoine de Saint-Expéry utilise des mots simples : non pas que le Monde soit peuplé d’imbéciles – quoique nous sommes nombreux, méfiez-vous ! -, mais simplement parce que c’est par le caractère ingénu du narrateur, la simplicité des mots qu’il utilise, qu’il s’efface ainsi, ramenant les lecteurs à leur plus petit dénominateur commun. C’est en parlant avec des mots simples que l’on amène chacun à réfléchir à des concepts parfois complexes.
Mais Saint-Ex utilise ce vocabulaire « accessible » au service d’un récit souvent embrouillé à défaut d’être brouillon. J’avoue d’ailleurs avoir trouvé cela très désagréable au début. Les ficelles étaient trop grosses : évidemment, c’est un conte pour enfant, donc forcément il faut que ce soit un peu décousu. Mais au regard du dénouement, on finit par comprendre que c’est l’émotion du narrateur qui justifie ce côté parfois brouillon du récit.
Alors oui, il y en aura sans doute pour souligner le caractère naïf voire moralisateur de l’œuvre. Je ne chercherai certainement pas à les contredire mais je rappellerai simplement cette simple date : 1943.
Pour moi, Saint-Exupéry amène ses contemporains et les générations suivantes à une réflexion ô combien salutaire dont il appartient à chacun de tirer la morale. Bref, « Le Petit Prince » est un roman aussi précieux qu’une rose sur une toute petite planète avec ses trois volcans.
5 défis réalisés sur 40, dans le #ChallengeLecture2018 :
- Un classique jeunesse que vous n’avez jamais lu
- Un livre qui est aussi une pièce de théâtre ou une comédie musicale
- Un livre qu’on vous a prêté ou qu’on vous a offert
- Un livre se déroulant sur une autre planète
- Un livre comportant des paroles de chanson dans le titre #LundiMatin