« Les chasseurs de tornades » de Jenna Blum

La bibliothèque municipale de Soissons ayant trouvé que j’étais long à me départir du best-seller de l’année de mon baccalauréat, c’est avec une tristesse feinte que j’ai dû me résoudre à le leur retourner. Mais je ne l’abandonne pas… enfin, j’en discute avec mon moi et ses potes.

J’ai donc profité de mon passage à la bibliothèque pour farfouiller dans les rayons – et sur google – à la recherche d’un titre me permettant de cocher une nouvelle case dans le #ChallengeLecture2018 des Éditions J’ai lu. Après une heure de quête infructueuse, je commençais à perdre foi quand soudain…

Voyez-vous, il y en a qui ont vu la vierge, moi c’est Jenna Blum. Enfin, son deuxième roman plutôt : Les chasseurs de tornades. Parce qu’après avoir cherché un livre comportant ma couleur préférée ou un animal dans le titre et un roman qui se déroule dans une librairie ou dans une bibliothèque (ce qui, paradoxalement, est introuvable dans une bibliothèque), j’ai cédé à la solution de facilité en cherchant un roman sur les tornades pour cocher la case du livre comportant un élément météorologique dans le titre. Après une petite recherche sur l’ordinateur en accès libre, je repère le roman de Jenna Blum dont la couverture me rappelle l’affiche du film Twister. S’ensuit une lutte à mains nues avec la classification Dewey dont je sors vainqueur avec, à la clé, le sentiment d’avoir trouvé le saint Graal.

Résumé.

Karena Jorge est une journaliste de 38 ans, divorcée et sans enfants. Sa mère est décédée, son père est dans un état situé entre le monde animal et le royaume végétal tandis que son frère jumeau, chasseur de tornades et bipolaire à ses heures, a mis les voiles voilà plus de vingt ans sans jamais avoir donné de ses nouvelles.

Autant vous dire qu’à cet instant précis et conscient de devoir respecter un silence monacal pour ne pas gêner les autres « bibliolecteurs », je dansais quelque chose qui ressemblait à la macarana dans ma tête. C’était comme regarder les résultats du tiercé au terme d’une journée de merde et se rendre compte qu’on avait le quinté dans l’ordre après avoir misé toute sa fortune sur les plus grosses côtes :

  • Un livre comportant des personnages jumeaux
  • Un livre comportant un élément météorologique dans le titre
  • Un livre sur les troubles psychologiques

Je ne cacherai pas qu’à ce moment-là, l’histoire m’importait peu : j’allais pouvoir cocher trois cases que je pensais incochables en une seule fois tout en ne prenant pas beaucoup de risques dans la mesure où, après Vol de nuit, je m’attendais quoiqu’il arrive à devoir sortir du nirvana qui c’était ouvert à moi.

Me voilà donc en compagnie de Karena qui, après avoir reçu un appel d’un hôpital où son frère était soigné pour une simple crise de panique, décide de se lancer à sa recherche en suivant un groupe de chasseurs de tornades. Au cours des deux-cents premières pages, l’histoire s’avère prenante à défaut d’être surprenante. Jenna Blum nous dresse le portrait des différents protagonistes, venus chasser les tornades comme d’autres vont chasser le crabe à Cancale, le bob Ricard en moins. Une chasse, organisée par un tour operator, propice aux rapprochements, y compris entre Karena et Kevin, un prof de sciences qui joue les guides pour la petite troupe et finit par comprendre que la tornade après laquelle court Karena n’est autre que Charles – ou Chuck pour les intimes -, son frère jumeau.

Car en effet, tel une tornade, l’imprévisible Charles est toujours là où Karena, trahie par son jumar – son radar à jumeau -, ne le voit pas, ou trop tard.

A ce stade, la lecture est plaisante : ça n’est pas du saint Saint-Exupéry mais il fait beau en ce mois d’avril, je suis en vacances et le style léger de Jenna Blum s’y prête bien. Je suis même tenté de mettre une serviette sur mon parquet couleur sable et un documentaire sur les mouettes en fond sonore pour me croire pleinement sur le bord de mer.

Finalement, lorsque le frère et la sœur se retrouvent, sur une aire d’autoroute, alors que Karena pensait rentrer bredouille de son séjour, Jenna Blum nous envoie près de vingt ans en arrière, en 1988, alors que les jumeaux célèbrent leur dix-huitième anniversaire. L’occasion de découvrir les accès maniaco-dépressifs de Charles et la solitude de Karena face à cette situation, abandonnée à elle-même qu’elle est par une mère littéralement dépassée et un père, avocat, qui préfère se réfugier dans le travail. Alors, oui, c’est un peu cliché, mais là encore, il fait beau, c’est les vacances, et tout, et tout.

En tout cas, je m’arrêterai là pour ne pas déflorer la suite du roman qui, à défaut de nous faire tomber de notre cocotier, a le mérite d’être efficace et surtout de nous faire basculer dans une espèce de huit-clos au cours duquel les relations entre les trois protagonistes – Karena, Charles et Kevin, que l’on avait presque oublié – seront vraiment fouillées.

Je n’ai donc fait qu’une bouchée de la fin de ce roman, lisant les cent cinquante dernières pages en une après-midi, ce qui est beaucoup pour moi. Cependant, malgré des qualités incontestables, notamment dans la construction du récit, le livre souffre de quelques scories qui ne m’inciteront pas à me jeter sur le premier Jenna Blum venu. En dehors du final un peu mièvre, je n’ai pu, en effet, m’empêcher d’avoir le sentiment de voir de mauvais acteurs jouer les rôles de Karena, Kévin et Charles, en grande partie à cause de dialogues qui, bien que soigneusement écrits, sonnaient hélas parfois un peu faux.

Mais, ma plus grande déception reste, est de très, très loin, la faiblesse des scènes impliquant des tornades. Alors que l’on apprend, dans les remerciements, que l’auteure a elle-même participé à plusieurs chasses, elle n’a jamais réussi à me faire ressentir le caractère oppressant d’une tornade. Sans doute ma fascination pour ces évènements climatiques et les multiples visionnages du film Twister m’ont-ils blasé, à moins que ce ne soit délibéré venant de Jenna Blum, pour mieux souligner le caractère oppressant de la bipolarité de Charles. Quoiqu’il en soit, j’ai trouvé ces scènes bâclées et plates alors même que l’on est censé croiser, à au moins deux reprises, de véritables monstres destructeurs.

Au final, après Vol de nuit, j’ai le sentiment, comme prévu, d’être redescendu sur Terre… mais sur un escalator.


3 défis réalisés sur 40, dans le #ChallengeLecture2018 :

  • Un livre comportant des personnages jumeaux
  • Un livre comportant un élément météorologique dans le titre
  • Un livre sur les troubles psychologiques

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