« Paris-Briançon » de Philippe Besson

La dernière fois que j’ai pris le train, c’était justement pour aller à Briançon, pour un séminaire professionnel : Paris n’avait été qu’une escale depuis Soissons, comme Marseille le fut, pour basculer du réseau TGV au TER.

Urbain ayant passé le permis sur le tard, j’ai souvent eu l’occasion de prendre le train, sur de petites lignes, entre Rouen et Amiens, puis entre Amiens et Laon, avec ses dix minutes d’arrêt en gare de Tergnier. Ponctuellement vers la côte normande, jusqu’à Dieppe ou pour m’aventurer à Caen. Et puis, professionnellement, aux quatre coins de l’Hexagone. A défaut d’y faire des rencontres, le train, comme le bus et le métro, a toujours stimulé mon imagination. L’occasion d’observer les autres voyageurs, leurs comportements, leurs habitudes, les interactions qui, parfois, se créent. Cela rejoint assez ma passion pour la photographie de rue : résoudre l’énigme, réelle ou fantasmée, qui se cache en chacun de nous.

Mais jamais je n’avais pris le train de nuit. Et c’est le voyage auquel nous invite Philippe Besson. Constitué de courts chapitres de quelques pages tout au plus, ce roman nous permet de suivre plusieurs personnages que rien ne lie, si ce n’est la diversité des raisons qui les poussent à devoir aller à Briançon. Ainsi croise-t-on la route d’un médecin, d’un jeune hockeyeur/moniteur de ski saisonnier, d’un couple de retraités, d’un représentant de commerce, d’une mère assistante de production pour la télévision (et ses deux enfants), ainsi qu’un groupe d’amis tout juste dans la vingtaine.

Le roman fonctionne comme un huis-clos, d’autant que le narrateur ne tarde pas à nous révéler que tous ne verront pas Briançon. En attendant l’inévitable pirouette, on se plaît à découvrir ce qui motive chacun dans cette galerie de personnages, à partager – ou non – leurs a priori, à explorer leur psychologie. Au final, ceux-ci s’avèrent assez peu surprenants, sans être caricaturaux, ils permettent à l’auteur d’effleurer des sujets de sociétés dont nous sommes encore contemporains. Il y a une certaine banalité qui sied l’histoire, même si on se demande où va nous emmener l’auteur, quelle direction va vraiment prendre ce train.

Et c’est au trois quart du roman que ça déraille. Tout simplement parce que l’auteur a pris à gauche à l’aiguillage, là où je n’avais pas forcément envie de le suivre. J’aimais assez l’idée que ce trajet ne soit qu’une parenthèse. Après tout, nous avons tous vécu, au moins une fois, cette expérience de partager quelque chose, parfois d’unique, avec des inconnus qui le resteront, même si pour certains ils marqueront notre destin… là où la plupart d’entre-nous reprendront notre train-train.

Malgré tout, l’auteur nous propose une narration efficace et quelques chapitres qui nous amènent à méditer sur l’impossibilité de l’intime à l’heure de l’hyperconnexion et du tout communication. Ce qui se cache en trame de fond, c’est le côté assez anachronique des trains de nuit, qui n’ont plus le « succès » d’antan, mais aussi leur profonde actualité. A l’heure où tout va si vite, où les limites de l’intimité sont bousculées, on a d’autant plus besoin de ces parenthèses, où le temps et nos habitudes sociales nous échappent.

Au sortir de ce voyage entre la capitale et la cité fortifiée par Vauban, j’ai eu l’impression de passer un trajet sur les rails d’un auteur à succès. C’est un court roman efficace, qui fonctionne bien le temps d’un voyage en train… en TGV de préférence. Un roman qui se vit dans l’instant, aussi indélébile qu’un voyage en train. Quoiqu’il y a des voyages en train qui marquent un destin…

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