« L’Aiguille Creuse », de Maurice Leblanc

Parce que début d’année rime avec bonnes résolutions, 2018 sera placée, comme 2017, sous le signe de la lecture. Je n’ai jamais vraiment été gourmand de lecture, mon cœur battant plutôt au rythme de 24 images par secondes, mais l’année dernière j’avais décidé de laisser un peu plus de place aux lettres dans mon quotidien : verdict, 4 ou 5 livres à mon actif, avec, comme toutes bonne résolution, un essoufflement au fil de l’année. Mais bon, c’était déjà mieux que les années précédentes.

Cette année, pour tout vous avouer, j’avais atteint l’âge de raison, celui où, de résolution, on prend celle de ne pas en prendre. Hélas, les éditions « J’ai lu » on lancé, sur Twitter, le #ChallengeLecture2018.

Mis au défi par ma compagne, qui se fixe un objectif de 25 livres – rien que ça -, je vais essayer de me prendre au jeu. Et, pour commencer, j’ai jeté mon dévolu sur « L’aiguille creuse » de Maurice Leblanc, célèbre créateur du personnage d’Arsène Lupin, gentleman cambrioleur.

Né à Rouen, j’avoue que, comme auteur local, j’avais le luxe du choix : Gustave Flaubert, Pierre Corneille, Guy de Maupassant, Philippe Delerme, Laurent Ruquier… et, donc, Maurice Leblanc. Alors, oui, je pourrais vous dire que j’ai choisi ce dernier par nostalgie, parce que mon horizon de craie blanche me manque, mais en réalité, je l’avais sous la main et vous connaissez tous l’histoire du fer qu’il faut battre… bla bla bla.

Bref. Maurice Leblanc, emmenant Arsène Lupin avec lui, a fait une entrée fracassante dans ma vie à l’occasion d’une sortie scolaire avec les élèves de l’école où je travaillais. Etretat. Son aiguille. Sa plage de galets. Et le clos lupin, la maison-musée de l’auteur. Arrivé à la boutique, coup de folie ou absence passagère, je m’acquittais des 3€50 que coutait ce livre de poche de 216 pages, à la couverture aussi aguichante que le dos de Demis Roussos. Rentré à la maison, l’ouvrage fut posé sur une pile d’autres ouvrages destinés à un éventuel oubli et transita d’étagère en cartons jusqu’au crépuscule de décembre 2017 où, sorti du coin poussiéreux où je l’avait terré, il fut posé magistralement sur la table du salon, dans l’attente, lui aussi, de la nouvelle année. Une année qui marquerait, pour ces pages jaunies par le temps, l’heure de gloire de la révélation au lecteur que je suis.

Raymonde de Saint-Véran est la nièce du Comte de Gesvre. Réveillée en pleine nuit par un cambriolage, elle parvient à blesser, dans sa fuite, l’un des malfaiteurs. Les premiers éléments de l’enquête et l’intervention d’Isidore* Beautrelet, un élève de terminal dont l’intelligence n’a d’égale que la confiance en soi, laissent à penser que le célèbre Arsène Lupin est non seulement à l’origine de ce cambriolage mais aussi l’homme, agonisant, qui se terre quelque part dans la propriété. Mais vous connaissez ce bon vieil Arsène. Il n’est pas homme à se laisser abattre si facilement, tout du moins sans avoir résolu le mystère de l’aiguille creuse.

Partant sans a priori sur ce roman, et plus globalement Arsène Lupin, je concède cependant que ce n’est pas le genre de lecture que je recherche habituellement. Et ça ne l’est toujours pas.

En effet, si cette découverte fut agréable et légère, une double difficulté s’est présentée à moi pour pleinement profiter du voyage. La première est liée au style. Si j’apprécie l’exercice du pastiche, j’ai moins d’appétence pour les romans policier (que je distinguerai, sans plus d’explication, du polar), or je juge difficile d’apprécier la parodie sans être sensible au genre parodié et surtout à ses codes. La deuxième est simplement liée au fait que ce roman ait plus d’un siècle. Un siècle marqué par des auteurs et réalisateurs qui se sont inspirés du genre, se l’appropriant et se le réappropriant. Et les ficelles sont parfois d’autant plus visibles que le pastiche tend justement à les mettre en scène.

Bref, je n’ai eu que peu de surprises et, hélas, je me suis parfois lassé devant tel ou tel rebondissement. Une lassitude qui atteint l’overdose dans un dernier chapitre interminable et sans véritable enjeu. Le pastiche étant ce qu’il est, je n’ai guère plus adhéré aux personnages. Beautrelet, caricature assumée de Monsieur Je-sais-tout sans véritable saveur ni relief, n’a d’autre ambition que de servir le personnage d’Arsène Lupin qui est, et de très loin, le plus intéressant, malgré son côté Robin des bois patriotique au cœur d’artichaut. C’est logique, me direz-vous : « C’est le héros, gros bêta ! » Mais voilà, la complexité de ce personnage et surtout de ses motivations est noyée sous la caricature. Je ne doute cependant pas qu’avec 17 romans, 39 nouvelles et 5 pièces de théâtre, l’auteur ait eu le temps d’affiner, comme un artiste posant des touches de peinture sur une toile, le portrait de son héros.

Et c’est d’ailleurs ce qui me donne envie de lire la suite. Finalement, lire « L’aiguille Creuse », c’est comme regarder l’épisode 3 de la saison 2 de la série « 24 heures chrono » : ça n’a que peut d’intérêt si on ne se fade pas les autres épisodes. Ainsi, Arsène Lupin, au-delà du pastiche, n’est rien d’autre qu’un roman de divertissement, une série avant l’heure, reprenant, ou plutôt en préfigurant, les codes. Et c’est seulement une fois arrivé à cette conclusion que je peux enfin apprécier ce moment de lecture.

Voilà. Voilà.

Ah, oui ! Vous vous attendiez sans doute à ce que je parle de l’émotion ressentie à l’évocation de noms tels que Criquetot, Etretat, Dieppe, Rouen, Veules-les-Roses, etc. Victor Hugo écrivait : « Lire, c’est voyager. Voyager, c’est lire. » Le voyage est effectivement d’autant plus plaisant et passionnant que l’univers vous est familier même si, étrangement, je n’ai que peu voyagé dans le Pays de Caux, si ce n’est pour me dorer la pilule, par une fraîche journée d’été, sur une plage de galets, avant d’aller à la pêche aux crabes. Mais le plus étrange reste surtout que la simple évocation de ces noms de ville ou de hameau qui ont bercé mon enfance et que, bien souvent, j’ai visité par procuration, suffisent à réveiller en moi cet amour que j’ai pour la région où je suis né à la simple lecture d’une aventure d’Arsène Lupin. Maurice Leblanc contribue ainsi, à travers ces 216 pages, à me transmettre le Seine-Maritime en patrimoine.


5 défis réalisés sur 40, dans le #ChallengeLecture2018 :

  • Un classique jeunesse que vous n’avez jamais lu
  • Un livre qui est aussi une pièce de théâtre ou une comédie musicale
  • Un livre qu’on vous a prêté ou qu’on vous a offert
  • Un livre se déroulant sur une autre planète
  • Un livre comportant des paroles de chanson dans le titre #LundiMatin

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